theophile gautier

 

 

L'art

 

 

Oui, l'oeuvre sort plus belle

D'une forme au travail

Rebelle,

Vers, marbre, onyx, émail.

 

Point de contraintes fausses !

Mais que pour marcher droit

Tu chausses,

Muse, un cothurne étroit.

 

Fi du rhythme commode,

Comme un soulier trop grand,

Du mode

Que tout pied quitte et prend !

 

Statuaire, repousse

L'argile que pétrit

Le pouce

Quand flotte ailleurs l'esprit :

 

Lutte avec le carrare,

Avec le paros dur

 

Et rare,

Gardiens du contour pur ;

 

Emprunte à Syracuse

Son bronze où fermement

S'accuse

Le trait fier et charmant ;

 

D'une main délicate

Poursuis dans un filon

D'agate

Le profil d'Apollon.

 

Peintre, fuis l'aquarelle,

Et fixe la couleur

Trop frêle

Au four de l'émailleur.

 

Fais les sirènes bleues,

Tordant de cent façons

Leurs queues,

Les monstres des blasons ;

 

Dans son nimbe trilobe

La Vierge et son Jésus,

Le globe

Avec la croix dessus.

 

Tout passe. - L'art robuste

Seul a l'éternité.

Le buste

Survit à la cité.

 

Et la médaille austère

Que trouve un laboureur

Sous terre

Révèle un empereur.

 

Les dieux eux-mêmes meurent,

Mais les vers souverains

Demeurent

Plus forts que les airains.

 

Sculpte, lime, cisèle ;

Que ton rêve flottant

Se scelle

Dans le bloc résistant !

 

 

        

El estudiante de Salamanca      José de Espronceda

 

 

        Y vio luego

        una llama

        que se inflama

        y murió;

        y perdido,

        oyó el eco

        de un gemido

        que expiró.

 

        Tal, dulce

        suspira

        la lira

        que hirió,

        en blando

        concepto,

        del viento

        la voz,

 

             leve,

             breve

             son.

 

 

 

 

Verlaine

 

V Chanson d'automne

 

Les sanglots longs

Des violons

De l'automne

Blessent mon coeur

D'une langueur

Monotone.

Tout suffocant

Et blême, quand

Sonne l'heure,

Je me souviens

Des jours anciens

Et je pleure;

Et je m'en vais

Au vent mauvais

Qui m'emporte

Deçà, delà,

Pareil à la

Feuille morte.

 

 

 

mallarmé

 

CANTIQUE DE SAINT JEAN
----------------------


Le soleil que sa halte
Surnaturelle exalte
Aussitôt redescend
Incandescent

Je sens comme aux vertèbres
S'éployer des ténèbres
Toutes dans un frisson
À l'unisson

Et ma tête surgie
Solitaire vigie
Dans les vols triomphaux
De cette faux

Comme rupture franche
Plutôt refoule ou tranche
Les anciens désaccords
Avec le corps

Qu'elle de jeûnes ivre
S'opiniâtre à suivre
En quelque bond hagard
Son pur regard

Là-haut où la froidure
Éternelle n'endure
Que vous le surpassiez
Tous ô glaciers

Mais selon un baptème
Illuminée au même
Principe qui m'élut
Penche un salut.

 

goethe

Rastlose Liebe

     

Dem Schnee, dem Regen,
Dem Wind entgegen,
Im Dampf der Klüfte,
Durch Nebeldüfte,
Immer zu! Immer zu!
Ohne Rast und Ruh!

Lieber durch Leiden
Möcht ich mich schlagen,
Als so viel Freuden
Des Lebens ertragen.
Alle das Neigen
Von Herzen zu Herzen,
Ach, wie so eigen
Schaffet das Schmerzen!

Wie soll ich fliehen?
Wälderwärts ziehen?
Alles vergebens!
Krone des Lebens,
Glück ohne Ruh,
Liebe, bist du!